« Maman, pourquoi les deux messieurs se font des bisous, là-bas ? »
« Chu Jung, ne regarde pas, c’est malsain. »
Elle me prend par la main, me tire comme pour m’éloigner de la peste. J’ai sept ans, pour moi, tout ça ne veut rien dire, et pourtant, je me sens déjà mal à l’aise.

J’ouvris brutalement les yeux, m’agrippant fermement aux bords de la baignoire avant que mon visage ne disparaisse entièrement sous l’eau encore chaude de mon bain. Mon regard embué parcourra nerveusement la totalité de la salle de bain vernie de blanc pendant que mes mains passaient sur mon visage humide. Jusqu’à maintenant, je ne m’étais encore jamais endormi dans mon bain, sans doute avais-je été proie d’une terrible fatigue qui m’avait mené à cette erreur peu conseillée. Ces temps-ci, j’avais du mal à aligner mes cours et mes deux boulots, je n’avais pas beaucoup dormi depuis plusieurs jours et c’était limite si je tenais encore debout sans devoir m’accrocher quelque part pour ne pas tomber. La nourriture me passait aussi sous le nez, je n’avais plus d’appétit et depuis le début de la semaine je sentais déjà que j’avais dû perdre un kilo ou deux, je me percevais encore plus osseux que d’habitude. J’ai toujours été très fin, voir même maigre, mais là, j’étais arrivé à un point presque inquiétant qui faisait un peu penser à un malade tout droit sorti de l’hôpital. D’ailleurs, en parlant de l’hôpital, j’y avais fait une seconde visite suite à la première, et avais refusé de faire les radios. Je n’en voyais pas l’intérêt, de plus, je n’étais pas bien assuré alors tous ces frais ou presque finiraient par revenir à ma charge… alors je préférais nettement être malade d’une façon tout à fait supportable plutôt que de payer des tonnes de yens pour rien. Je toussais peu, ça devait sûrement vouloir dire que ce n’était pas si grave que ce que les médecins semblaient le dire avec tant de désespoir que je n’avais pas. Je n’espérais pas non plus, disons simplement que je restais cruellement indifférent. Après tout, j’avais déjà montré maintes fois au monde à quel point je savais me montrer résistant à n’importe quelle épreuve, alors… un problème en plus ne viendra pas à bout de moi de si tôt, j’étais pire qu’une tique. J’attendais le bon moment pour rebondir mieux que jamais et ça ferait toujours un gros boum autour de moi.
Mon rêve me laissait un étrange goût amer au fond de la gorge -peut-être avais-je avalé des bulles pendant mon sommeil- et je m’extirpai de l’eau en faisant bien attention de ne pas glisser, avant de m’enrouler dans un linge. Le miroir me renvoyait une image de moi bien peu flatteuse et ça me fit soupirer. Je savais que j’étais beau, et pourtant, j’avais la terrible impression d’être de plus en plus laid au fil que les semaines passaient. Sans m’attarder à ma tête de fantôme, je sortis de la petite pièce pour me retrouver dans une chambre d’hôtel grand luxe, la serviette encore nouée sur les hanches. Sans jeter un seul regard à l’homme encore endormi et à son alliance sagement posée sur la table de nui, je me rhabillai rapidement, laissant mes cheveux encore mouillés, avant de prendre ma paie sur le bureau. Quelque secondes pour m’assurer que le compte était bon, puis je pris ma veste pour ensuite refermer la porte derrière moi. C’est toujours comme ça, je n’aime pas attendre le réveil du client et je pars toujours le plus vite possible, c’est pas comme si j’avais besoin de lui parler un peu. Il en a après mon corps l’espace d’une nuit, j’en ai après ses billets verts, rien de plus. Commerce totalement équitable, non ?

Une fois dehors, pluie. Ça m’agaçais, je n’ai jamais aimé le mauvais temps et n’ayant pas de quoi me protéger, les cheveux déjà trempés et tout en étant terriblement crevé, je me doutais bien que j’allais tomber magnifiquement malade. Histoire de ne pas venir taquiner le gros rhume de trop près, je me déplaçais le plus possible contre les murs et sous les toits des magasins depuis une petite demie heure quand un visage familier dans la foule attira mon attention. Petit Misato, parapluie sur l’épaule, se frayait un chemin parmi tous les gens qui se pressaient comme des fous dans la rue, tel un enfant qui n’est pas très sûr de son itinéraire pour rentrer à la maison. Ce gamin c’est un peu ma proie depuis que je me suis mis en tête de le mettre dans mon lit, je le taquine, essaie de lui faire comprendre mes intentions de gros pervers, mais il ne comprend jamais ce que je raconte. Il faut croire qu’il y a bien encore quelqu’un de pur et d’innocent sur Terre, contrairement à ce que je pensais presque dur comme fer jusqu’à maintenant. Sans une seule seconde d’hésitation, je jouai un peu des coudes pour parvenir à me glisser à quelques mètres derrière lui, le regard plaqué sur sa nuque pour ne pas le perdre de vue. Non, pas sur ses fesses, contrairement à ce qu’on aurait pu attendre de moi, je n’avais pas envie de me donner faim dés le matin et de toutes façons, les gens qui nous séparaient m’en empêchaient. Les mains dans les poches, pareillement qu’un voyeur aurait pu le faire, je me mis à le suivre dans sa promenade de courses, sans trop me soucier de savoir s’il m’avait remarqué ou non, le jugeant trop tête en l’air pour cela, peut-être à tort. Il s’arrêtait parfois dans une boutique pour en ressortir peu de temps après, et je l’attendais patiemment à l’extérieur en remontant le col de ma veste quand je le voyais arriver. Petit Misato continuait ses achats avec sa tête de gosse trop violable pour que ça soit permis, pendant qu’à à peine trois mètres plus loin, je détaillais la moindre de ses actions de mes yeux perçants. Aujourd’hui, je n’avais rien à faire, je pouvais le pourchasser toute la journée si l’occasion se présentait. De plus, ça m’aidait à ne plus penser à mes souvenirs désagréables, et rien que pour ça, j’éprouvais une reconnaissance aveugle envers lui sans pour autant l’en bénir.
J’étais son ombre depuis presque trois quart d’heure quand il entra dans une bibliothèque que je ne connaissais pas, dans une ruelle qui m’était inconnue jusqu’à présent également. Comme auparavant, je me postai à l’entrée comme un détective privé enquêtant sur un adultère, attendant patiemment qu’il resorte pour recommencer sa promenade. Mais au bout de vingt minutes, il ne s’était toujours pas remontré. Naturellement, ce fait m’intrigua et c’est avec la ferme intention de l’aborder si je le repérais que je me permis de faire quelques pas dans les lieux en poussant la porte de bois. La bibliothécaire m’observa passer avec de gros yeux, sans doute ne devais-je pas avoir la tête d’un gars à traîner parmi les livres, et aussi, mes vêtements et cheveux entièrement mouillés devaient l’inquiéter, pour la santé des livres, évidemment. Il ne me fallu pas bien longtemps avant de le repérer face à une étagère, tendant le bras pour tenter d’attraper un livre. Non, il ne me vint pas l’idée de l’aider à prendre ce fichu bouquin, et je me contentai de m’assoir à une petite table déposée juste à côté de sa rangée, de sorte à bien pouvoir le voir. Je fis mine de prendre l’ouvrage oublié sur la chaise d’à côté pour le lire -non, sérieusement, je ne lis jamais. Surtout les livres en japonais, j‘ai tendance à ne pas tout comprendre-, mais mon regard restait rivé sur son visage dont je n’avais à présent que le profil. Je réfléchissais à la meilleure manière de l’accoster, la meilleure manière pour le surprendre, et peut-être même celle qui me servirait à le faire rougir un peu. En fait, je me voyais déjà me glisser dans son dos, poser mes mains sur ses hanches et rapprocher mes lèvres de son oreille pour lui lancer un petit « salut » déstabilisant. Pour l’instant, je ne faisais qu’imaginer en toussant de temps en temps dans mon poing, une envie de cigarette atroce au fond de la gorge.

Qu’on me dise que petit Yuki aimait lire n’aurait eu strictement rien d’étonnant, et il s’agissait là d’une chance assez inattendue pour m’amuser un peu. J’avais un peu l’impression d’être un pédophile courant après un innocent garçonnet perdu dans la ville, et autant dire que c’était presque ça… il a quel âge, déjà ? Dix-sept ans ? Huuum… mais non voyons, ce n’était ni de la pédophilie ni du voyeurisme n’est-ce pas ? Encore trois ans et il sera majeur, c’est long à attendre pour un mec comme moi, je dois bien l’avouer. Ne m’y arrêtant pas pour l’instant, je laissai mes yeux balayer le reste de la bibliothèque pendant qu’il se dressait sur ses pieds et prenait un livre sur une étagère du haut. L’endroit n’était pas vraiment peuplé, juste deux ou trois autres clients à part nous, et comme tout bon japonais qui se respecte, ils ne portaient attention ni aux autres protagonistes en train de chercher des bouquins, ni à toute autre chose qu’ils auraient pu faire. Puis, après avoir considéré faiblement les lieux -un endroit vraiment banal, soit dit en passant-, je reportai mon attention sur le jeune homme à présent plongé dans ce que je devinai rapidement être un manga. En penchant un peu la tête pour essayer d’en décrypter le titre depuis ma place, j’aperçus la couverture et un petit sourire assez mauvais se forma sur mes lèvres ; un manga pour filles, comme par hasard. Certes, Misato-kun en pleine lecture d’un manga d’un autre genre, je n’arrivais tout simplement pas à me le représenter. Les shônen me paraissaient trop violents pour lui, les seinen, arborant la plupart du temps des thèmes assez graves, risqueraient de le choquer, et tout ce qui va dans le hentai, on oublie, naturellement… on parle de l’innocence incarnée, je vous rappelle. L’espace de quelques secondes, j’échappai même un rire amusé en me couvrant la bouche de ma main, avant de poser mes mains sur la table qui me faisait face et de me lever lentement. La chaise racla le sol dans un bruit désagréable, un bruit sinistre qui me fit penser à celui des portes dans les films d’horreur. Je la replaçai précautionneusement une fois remis debout et en collai le dossier tout contre le bois de l’autre meuble. En quelques enjambées je m’approchai de lui en silence, avant de me glisser juste dans son dos, à plus ou moins un mètre derrière, les yeux plaqués sur sa nuque. Une nuque, c’est très érotique, je l’ai toujours pensé. Je sais qu’une des armes de séduction des geishas était de dégager leur cou pour l’exhiber à leurs clients. Les japonais sont excités pour un rien, et pourtant ce sont ceux dont la libido est la moins développée sur terre, si je ne me trompe pas. Je suis fier d’être chinois pour ce point, parmi tant d’autres haha.
Lorsqu’il bougeait la tête, quelques mèches de cheveux foncées glissaient dans son col et je m’en désintéressai un instant pour glisser une main dans la poche de mon jean et pour détailler plus précisément ses épaules, son dos, sa chute de reins. Dans ma descente, je m’arrêtai un peu avant d’arriver sur ses fesses et relevai la tête en agitant la tête pour replacer mes propres cheveux correctement. Je fis un pas de sorte à me rapprocher tout près, très près, je n’aurais eu que quelques centimètres à faire pour poser mes mains sur sa taille. Je n’en fis rien, me contentant -ou pas- de me pencher un peu sur son épaule, de soupirer un souffle chaud sur sa peau dégagée et de remonter mon visage pour frôler son oreille de ma joue. En avançant légèrement mon genou gauche, je le forçai à avancer un peu à son tour et saisis un autre manga juste à côté de l’emplacement vide d’où il avait retiré le sien un peu plus tôt. Faisant mine de ne pas parvenir à le saisir (alors que je n’avais même pas à me mettre sur la pointe des pieds), je finis tout de même par coller ma paume sur sa hanche en appuyant un peu. Je retournai au plat, retournant la couverture un peu osée pour contrôler que j’avais bien pris ce que je voulais, la dévoilant par conséquent à Yuki. Et bien oui, je lis du yaoi, et alors ? Les hétéros lisent des shojo, les homos lisent des yaoi, normal non ?

« Salut Yuki-chan, murmurai-je en ramenant le livre contre moi pour en tourner quelques pages distraitement. Qu’est-ce que tu lis ? »

Non, je ne me décollais pas, le nez presque dans ses cheveux, pendant que les miens gouttaient lentement sur lui. Ha oui, j’étais encore trempé, moi, c’était embêtant. D’ailleurs, j’étais bien, comme ça, moi. Il sentait bon, je savais qu’il ne risquait pas de me rembarrer de manière violente quoi que je fasse, et je comptais bien en profiter. Profiter des gens, ce doit être ce que je sais faire le mieux, alors à force, je ne m’en prive absolument plus.

Ouais c’très nul, mais c’est pour que j’aie la conscience tranquille, pas que tu sois une seconde fois le dernier à poster dans nos rps parce que j’ai pas répondu xD ♥
Libre à toi de continuer ou non~ ^^’